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Compte rendu – Handicap et validisme au sein des luttes LGBTI+

Handicap et validisme au sein des luttes LGBTI+

Ceci est un compte rendu qui vise à retranscrire la table ronde du 27/06/2020 lors du festival de Queerantaine.

Salut ! Je suis Panda, la personne qui anime cette table ronde. Pour me présenter rapidement, je suis non binaire et je suis en situation de handicap invisible. Je suis atteint·e du Syndrome d’Ehlers Danlos. Je suis militant·e bédéiste sur Lille, où je n’ai pas d’implication associative fixe, mais où je travaille avec pas mal d’associations différentes. J’aborderai donc ici une perspective politique et associative particulièrement.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je tiens a définir quelques termes que j’utiliserai par la suite.

Situation de handicap : a mon sens, on n’est pas handicapé. La situation, la société et son manque d’accessibilité me met en situation de handicap comparé a d’autres gens. Si j’avais les adaptations nécessaires, je ne serais probablement pas en situation de handicap.

Validisme et valide : les personnes valides sont les personnes qui ne sont pas en situation de handicap. Le validisme est le nom donné à l’oppression que subissent les personnes en situation de handicap.

Neuroatypie : correspond à un fonctionnement neurologique ou psychologique qui s’écarte de la norme, contrairement à la neurotypie.

Non binarité : correspond aux genres différents de homme et femme.

Pour introduire un peu mon propos, je vais commencer par parler un peu de ce qu’est être en situation de handicap et LGBTI+. Tout d’abord, cela correspond à une convergence de plusieurs oppressions, donc plusieurs luttes. Les personnes en situation de handicap et LGBTI+ vont subir des LGBTIphobies dans le milieu médical, et inversement. La convergence des luttes est là pour prendre en compte les personnes qui sont au centre de plusieurs oppressions.

Ensuite, je tiens à parler de la pathologisation à outrance des personnes LGBTI+. En effet, pour la majorité dominante, iels sont vu·e·s comme étant des personnes « à soigner », que « c’est dans leur tête ». Allant parfois jusqu’aux thérapies de reconversion, toujours légales en France. Être LGBTI+, ce n’est pas être malade. Cependant, les personnes LGBTI+ peuvent également être malades et / ou neuroatypiques. Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut chercher à les soigner, car cela correspond simplement à une perception différente du monde.

Les personnes LGBTI+ sont certes plus souvent déconstruites aux sujets des situations de handicap comparé aux personnes non LGBTI+, cependant, cela n’empêche pas qu’il y ait énormément de validisme présent dans cette communauté. C’est une remise en cause permanente et nécessaire. De plus, on pourra remarquer que ce validisme de manière très générale est encore plus présent sur les réseaux sociaux. Encore récemment, nous avons pu remarquer une vague oppressive de part le mouvement Trans Et Handi lancé sur Twitter. Ce mouvement consistait simplement à se visibiliser en temps que personnes à la convergence de ces deux oppressions, cependant, il a été directement repris par des trolls et autres fascistes, laissant place a une vague de validisme, transphobie, nazisme, pédocriminalité et j’en passe. Cette affaire a été étouffée, peu de médias en ont parlé malgré nos sollicitations. Nous avons été invisibilisés une fois de plus.

Mais parlons désormais du militantisme LGBTI+. J’aborderai à ce sujet 3 points essentiels : l’associatif, les lieux queer, et les manifestations.

Comme je vous le disait un peu plus tôt, je ne travaille jamais avec une association fixe, en temps que bénévole. Je préfère de loin la liberté de travailler avec un peu toutes les associations que je rencontre. Cependant, j’ai tout de même fait parti d’une association LGBTI+ sur Lille au début de l’année scolaire 2019. Cette association était a hiérarchie horizontale, ce qui veut dire que tout le monde avait le même pouvoir. A la création de celle ci, plusieurs idées très très limite ont été proposées. Dans le lot, il y avait par exemple le fait d’exclure les bénévoles ne venant pas à 3 assemblées générales consécutives, ou l’obligation de lecture de certains livres, documentaires, films. Ces propositions sont tout simplement dangereuses pour les personnes en situation de handicap, cependant plusieurs personnes avaient voté pour. Nous avions décidé de mettre en place des formations internes faites par des personnes concernées, pour mieux nous déconstruire sur certains sujet. Avec un·e ami·e, nous avons mené une formation sur les situations de handicap et la non binarité. Ces formations n’ont malheureusement pas changé grand chose au validisme qui y régnait. Beaucoup de personnes minoritaires, particulièrement les personnes en situation de handicap, doivent passer leur temps à former et sensibiliser leur entourage. C’est encore plus présent dans le militantisme et l’associatif, où personne n’est formé sur ces sujets. Nous ne sommes pas vos profs, les personnes en situation de handicap plus que quiconque ont de l’énergie et du temps limités. Bien entendu, il est actuellement complexe de trouver de bonnes ressources pour se documenter, sans tomber dans la désinformation. Cependant, certaines personnes sont plus a même de vous aider, ces personnes en général le signalent. C’est mon cas, d’où le fait que je fasse cette table ronde (et ce festival).

Pour préparer cette prise de parole, j’avais un peu sondé les gens autour de moi, notamment pour savoir ce qu’iels pensaient de accessibilité des lieux LGBTI+. Valides ou pas, la majeure partie voyaient très bien qu’il y a un gros problème d’accessibilité. Ce n’est pas rare que certains bars par exemple soient « accessibles » pour y entrer (encore faut il aller demander une rampe au bar, complexe si on ne peut pas rentrer demander) mais que leurs toilettes ne le soient pas. En outre, ils ne sont pas accessibles. Certes, ces travaux ne dépendent pas que d’eux, cependant des lois d’accessibilité existent mais ne sont prises en compte ni par l’état, ni par les propriétaires des locaux, ni par les locataires (bars, locaux associatifs..). Et c’est nous, personnes en situation de handicap, qui en subissons les conséquences. Encore. Et puis, quand un bar est accessible aux fauteuils roulants (miracle!), il ne l’est pas nécessairement aux PMR (Personnes à Mobilité Réduite). Combien de fois je me suis retrouvé·e à faire tout le chemin pour venir dans un bar, pour me retrouver face à une salle pleine, sans chaise prévue, ou a des escaliers imprévus ? Hop, marche arrière, je rentre chez moi. On me prive encore d’une soirée. Je ne crois pas, personnellement, que ça soit très compliqué de garder une ou deux chaises pliantes dans la réserve, et une affiche au bar qui mentionne « si tu as besoin de t’asseoir, préviens moi ! ». Je ne crois pas que ça soit si compliqué que ça de mentionner sur un événement Facebook qu’il y a des escaliers, que des gens peuvent t’aider à descendre si besoin. Je crois simplement en de l’hypocrisie. Car oui, ne toujours pas prendre en compte ces choses alors qu’on s’époumone à vous les dire depuis des années, c’est de l’hypocrisie. Et puis, ça fait également beaucoup d’années qu’on demande à prendre en compte les personnes hypersensibles. Lumières trop blanches, son trop fort, soirée foutue. Pourtant c’est pas très compliqué de baisser le volume de la sono, il me semble. Enfin, probablement que si, vu que ce n’est jamais fait. Parlons un peu des soirées fumette et alcool. C’est toujours la même chose, ne jamais proposer de soirée sans fumer, sans boire, c’est un manque d’accessibilité. Il y a un nombre incalculable de personnes qui ne peuvent et veulent pas être confrontées à ces éléments, pourtant.

A-t-on encore besoin de parler de l’accessibilité (ou plutôt la non-accessibilité) des manifestations ? Visiblement, oui. La marche des fiertés (manifestation devenue technoparade) est, je pense, l’un des exemples les pires dans le domaine. Reparlons de la musique trop forte, par exemple. Reparlons du manque d’endroits où l’on peut s’asseoir quand on est PMR. Baisser le son n’est toujours pas une tâche compliquée. Prévoir des fauteuils roulants à emprunter (par exemple sur l’un des chars) ou un itinéraire avec des bancs sur la route n’est pas non plus très complexe. Les fauteuils roulants sont quasiment toujours inutilisables lors de ces manifestations, faute de crevasse et de dos-d’âne. Et c’est la responsabilité des organisateur·ice·s pourtant. Sur toute la France, ça ne fait quelques années seulement (3, il me semble) qu’un char handi est mis en place. Ce char n’est présent qu’à Paris. Il n’existe non pas sur la demande des organisateur·ice·s, mais bien sur les demandes incessantes de l’association handi queer auprès de la mairie et autres. Pourtant ce char est nécessaire. Il est limité, une poignée de personnes seulement peuvent y accéder, sur réservation de plus. Il n’est pas suffisant. Et dans les autres villes ? Où est il ? Ne cherchez pas la réponse, ce char n’existe pas ailleurs. Ajoutez à cela qu’une grande partie des militant·e·s en situation de handicap ne manifestent pas par peur des violences policières. Par peur de mauvaise prise en charge médicale en cas d’arrestation, par peur de ne pas savoir fuir, par peur de ne pas savoir respirer dans les lacrymo, par peur de se faire tabasser.

La conclusion, c’est à vous de la tirer. Comment faisons nous pour lutter pour nos droits quand nous sommes exclu·e·s des luttes ? Comment faisons nous pour faire bouger les choses quand on ne nous accepte pas dans les locaux ? Comment faisons nous pour nous chercher, et pour nous trouver, quand nous ne pouvons pas être auprès de nos adelphes ?

Il est temps que tout cela change. Il est urgent que vous, valides ou non, LGBTI+ ou pas, preniez conscience de la gravité de la situation. Il est urgent de faire entendre nos voix et nos revendications. Nous ne voulons plus être les oublié·e·s des luttes. Chaque pride month, j’espère ne pas avoir à en revivre un autre sans y avoir réellement ma place.

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