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Le jour où les queers ont pris la place des cisgays à Lille

Parlons un peu de la Marche des Fiertés de Lille 2021.

Je vais vous expliquer comment on s’est retrouvé·e·s à organiser en un mois une manif militante à plus de 6 000 personnes pendant qu’on appelait à nous boycott. Je vais dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas, pourtant je ne parlerais qu’en mon nom, ayant eu le statut de co-organisateur·ice de cette marche.

Avant de commencer : Fiertés Lille Pride est l’organisation habituelle de la Pride de Lille (bien que ce ne soient pas les premiers à l’avoir faite à Lille). C’est un regroupement d’assos. Aujourd’hui, je m’attaquerai surtout aux décisionnaires de ce regroupement. En aucun cas je ne m’attaque aux assos qui font partie de FLP, elles ont été prises au piège. Mais pour simplifier et être plus rapide dans mes propos, je dirais Fiertés Lille Pride (FLP) au lieux de « les gens à la tête de Fiertés Lille Pride ».

Commençons, donc. Il y a de ça quelques mois, FLP annonce qu’il n’y aura pas de Pride cette année non plus en raison du contexte sanitaire. Gros évènement (15/20 000 pers il me semble), village associatif, soirées. Plus facile d’annuler que d’adapter. Dans une période où on bafoue nos droits, où l’Etat nous crache à la gueule, la décision ne semblait pas ok pour beaucoup de gens. De fil en aiguilles, plusieurs personnes et organismes ont monté le projet d’une manifestation militante LGBTQIA+ qui ne soit pas une Pride. FLP a été invité, au même titre que beaucoup d’autres organismes lillois, à participer à l’organisation. Ils se sont pointés à notre première AG en disant « ok on avait annulé la Pride, mais vous auriez pu nous demander notre accord pour organiser votre manif » (version plus vener). On a d’accord à demander à personne pour manifester, mais passons.

Bref, de là à commencé leur campagne de désinformation. Ils n’auraient pas été conviés à l’organisation (ils sont dans la liste mail, ont reçu tous les compte-rendus, sont venus à nos réunions..). L’organisation de la Pride d’Arras nous a également été mise à dos par Fiertés Lille Pride qui ne nous a pas communiqué le calendrier habituel des Prides, alors qu’ils étaient présents au moment de fixer la date. FLP a ensuite envoyé un mail à tous les organismes qui la composent, pour leur dire de choisir un camp. Ils ont donc appelé à se désolidariser (donc à boycotter) de la Marche. J’ai appris par la suite que des organismes avaient été appelés par FLP et menacés de ne plus avoir le droit de marcher à la Pride ou d’avoir de stand au village associatif s’ils venaient à notre marche.

FLP a ensuite été interviewé par La Voix du Nord, et nous a craché à la gueule dans leur article, à 2 jours de la marche. Ils ont notamment craché sur les cortèges non-mixtes handis et le cortège non mixte lesbien. Le cortège non-mixte queer racisé est passé à la trappe, me demandez pas pourquoi. Lors des Pride classiques, les cortèges non-mixte existent également et ça les gène pas. De plus plusieurs cortèges formés hier étaient sur l’initiative de composantes de FLP.

Comment se tirer soi-même dans les pattes, un tuto par Fiertès Lille Pride.

Dans cet article est également mentionné notre souhait de ne pas inclure le FLAG! (association de flics LGBTI+) ni La République En Marche (LREM). Pour le FLAG!, nous avions exposé clairement notre position de ne pas souhaiter intégrer des personnes représentant des violences systémiques, surtout en ayant un cortège handi et un cortège queer racisé·e·s au sein de la marche (donc plus exposé.e.s aux violences policières). Pour LREM, on doit encore se justifier du fait de pas vouloir d’un parti qui est en train de faire passer des lois de force, qui a un violeur au gouvernement et j’en passe ? Non, en effet, on a exposé notre souhait de ne pas les voir en nos rangs en temps qu’organismes.

Ajoutons à toute cette désinformation les critiques sur le fait que notre manifestation était trop politique et pas assez commerciale (ouai on est pas des vendus comme vous, déso pas déso). On a été accusés de tenter de « récupérer la Pride » alors que comme vous l’avez vu on a absolument pas fait pareil que les autres années, juste on a eu le malheur de vouloir faire une manif pour nos droits, olala.

Cette années, les personnes oubliées des luttes LGBTQIA+ ont été visibilisées, parce qu’elles étaient inclues dans l’organisation. Hé oui, par chez nous c’est pas les cisgay qui sont décisionnaires.

Vous qui avez marché à nos côtés hier, votre acte n’était pas anodin même sans le savoir. Vous avez participé à l’émancipation des minorités LGBTQIA+. Et c’est vraiment beaucoup.

Je trouve cette situation très représentative socialement, car les décisionnaires chez FLP sont principalement des hommes cisgenre. Face à eux, s’est dressé une horde de personnes trans, de femmes, de pers handis, racisé.e.s, queer.

J’ai également appris que FLP avec fait une capture d’écran d’un compte-rendu de réunion où figurait les prénoms de certaines personnes, et l’avait rendu public. Super, merci pour l’outing forcé. Ces personnes sont vraiment dangereuses.

J’ai lu plusieurs commentaires de gens triste que ça n’ait pas pu être une réelle manifestation vener. C’est ce qu’on aurait voulu également. Malheureusement, FLP à instauré ces airs de technoparade depuis des années, donc les gens n’ont pas tilté que c’était une manif militante. Au final, les gens ont cru que c’était la même Pride, ça nous a toustes géné.e.s nous qui venions militer. Et malheureusement on peut pas grand chose face à ça. A cause de ça, on s’est retrouvé avec le triple de personnes prévues, et pas assez de bénévoles pour gérer (sans compter les flics qui ont rien branlé quand il y a eu des agressions etc). Mais on était à l’orga, et on est responsables de ce qu’il s’est passé. Si la Pride était en effet scindée en 2 moments distincts (fête/militantisme) comme l’affirme FLP, le problème se serait probablement pas produit. On doit nettoyer les pots cassés, c’est un peu triste mais c’est comme ça.

On reste archi fier.e.s de ce qu’on à fait, parce que franchement faire une Marche des Fiertés avec plus de 6 000 personnes, en un mois, sans aide de la mairie ou du département, avec une orga qui nous menace et nous appelle a être boycotté, une toute nouvelle version de l’accessibilité, une pandémie réduisant complétement nos possibilités etc.. Je crois qu’on s’en est bien sortis, franchement. Et j’espère que ça vous rassurera un peu et vous permettra de venir l’année prochaine pour notre seconde édition !

Si je prends moi-même la parole aujourd’hui, c’est parce que j’ai subi en 2019 de la transphobie par ces mêmes personnes, et je sais que je suis pas seul.e. Pourtant, ils ont le monopole et la visibilité.

Fiertés Lille Pride a tenté de nous faire taire, alors on a fait encore mieux que ce qu’on avait prévu de base. Votre règne touche à sa fin. Aujourd’hui marque le jour où nous arrêterons de nous taire face à vous.

Bravo nous !

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